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Trois ans après: vers un nouveau Lehman?

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  • Par Pascal Canfin

RTR2R07N_Comp Trois ans après la chute de Lehman Brothers, où en est le rapport de force entre les banques et les Etats? Pour le comprendre, il faut distinguer trois étapes depuis la crise financière de 2008.

Première étape: 2008-2009
Les Etats sauvent les banques à l’aide de milliards d’argent public qui viennent gonfler d’autant l’endettement public. 

Deuxième étape: 2010-été 2011
Cette augmentation du niveau de dette publique inquiète ceux qui détiennent dans leurs comptes les obligations d’Etat à savoir… les banques. Les pays les plus endettés - Grèce, Portugal, Irlande, et Italie - font l’objet d’attaques spéculatives sur leur dette souveraine.

Aujourd’hui, une troisième étape semble s’ouvrir. Les banques plombées par le poids des dettes souveraines décotées vacillent à nouveau et le FMI appelle à une recapitalisation d’urgence des banques européennes.  Mais qui peut bien apporter de l’argent frais? Les actionnaires volontaires ne se bousculent pas au portillon et les Etats n’ont plus de marge de manœuvre. Pour sortir de cercle vicieux qui fragilise à la fois les banques et les Etats, il faut rompre avec les politiques menées jusqu’à présent qui ont échoué à nous sortir durablement de la crise financière.

Première mesure a prendre d’ urgence: imposer un moratoire immédiat sur les dividendes et les bonus versés par les banques. Les banques doivent cesser de gaspiller leurs ressources tant que le coût exact de la crise des dettes souveraines reste inconnu. Les pertes sur la dette grecque seront-elles de 21% comme l’anticipent les banques françaises ou de 50% comme provisionné par certaines banques anglo-saxonnes? Nul ne sait. Or, les dividendes et les bonus versés aujourd’hui seront autant de capitaux en moins pour couvrir les pertes que subiraient les banques en cas de faillite effective d’un pays de la zone euro.

Deuxième mesure: oser nationaliser les banques non viables après avoir mis à contribution leurs actionnaires et leurs créanciers obligataires. Ceux qui ont bénéficié de profits bancaires indécents ces dix dernières années doivent être les premiers à régler la note. Ce n’est qu’une fois que les actionnaires et les créanciers obligataires des banques ont été mis à contribution que les Etats doivent intervenir, en nationalisant purement et simplement les banques insolvables incapables de se recapitaliser sur fonds privés. Les Etats européens ont refusé cette voie en 2008 avec pour conséquence une transformation massive des dettes privées en dettes publiques. L’Irlande, dont le plan de sauvetage de ses banques a fait augmenter la dette publique de 45 points de PIB, en est l’exemple le plus caricatural. Seule l’Islande a refusé, en 2008, ce principe de socialisation des pertes du secteur privé. Résultat, le coût du sauvetage bancaire pour l’Etat islandais a été limité et le pays réussit à nouveau à emprunter sur les marchés.

Troisième mesure: remettre le système financier au service de l’économie réelle. Depuis trois ans, les banques européennes bénéficient de taux d’intérêt à court terme proche de zéro et ont « guichet ouvert » auprès de la BCE pour accéder à des liquidités. Cela signifie qu’en échange de titres financiers qu’elles déposent en garantie dans les comptes de la BCE, les banques obtiennent de l’argent à bas coût. Mais qu’en font-elles? Ce qu’elles veulent. Elles ont d’abord reconstitué leur profit, puis contribué à la bonne santé des marchés en 2009 et 2010 en alimentant de nouvelles bulles sur les matières premières par exemple. Il est frappant de constater que ni la BCE ni la Fed aux Etats-Unis n’ont posé de conditions aux banques en échange du nécessaire accès à la liquidité, alors que dans le même temps, en Europe au moins, la banque centrale envoie des courriers comminatoires aux dirigeants élus pour mener des politiques d’austérité généralisée. Résultat, cette politique monétaire généreuse, qui doit être le corolaire des politiques budgétaires restrictives menées actuellement, ne sert pas l’économie réelle, ni en Europe ni aux Etats Unis. Il est plus que temps que les banques centrales conditionnent l’accès à la liquidité à un certain nombre de changement de pratiques comme la fin de la spéculation sur les dettes souveraines, le maintien des prêts à l’économie réelle, le financement des investissements d’avenir.

En 2008, les dirigeants politiques actuels ont refusé de reprendre la main sur la finance pour des raisons idéologiques. Il est plus que temps de le faire.

Photo © Reuters


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